<<Alors je ne sais pas pour Dark Souls, mais dans No Man’s Sky, je peine à voir la boucle de gameplay comme autre chose que du temps perdu. On l’avait déjà remarqué en 2016, et c’est toujours vrai aujourd’hui : NMS est une corvée. Celle d’un Robinson spatial dont toutes les jauges descendent tandis que toutes ses poches se remplissent, toujours à stabiliser cet équilibre pour espérer progresser, avec comme carotte, de quoi rendre la balance un peu moins instable. Certes, réduire NMS à une question de chiffres et de jauges et de points sur la carte est cruel, surtout après toutes ces mises à jour, tout ce travail pour rendre le jeu plus addictif. Or, nous y voilà. Les planètes sont sans doute plus belles qu’il y a trois ans, les équipements plus simples à utiliser, les minéraux plus simples à trouver (de mon expérience, à chaque atterrissage, je trouvais toutes les premières nécessités dans un périmètre d’une ou deux minutes de marche) ; mais ce n’est jamais que raccourcir le bâton d’où pend la carotte.
Je refuse de croire que ces frustrations sont le passage obligé de tous les jeux-univers, ces titres dont cent heures ne suffisent pas à faire le tour et parmi lesquels Michael Thomsen range les MMO et les Elder Scrolls avec Dark Souls, en précisant que “nombre de ces jeux aspirent à un certain holisme artistique”, promettant à ses joueurs de vivre la fantaisie ultime : tout faire (Tim Rogers les appelait “holodecks” quand il critiquait GTA IV à sa sortie).
[...]
Je sais en revanche pourquoi j’ai envie de dire qu’il est “pire” qu’E.T. sur Atari : le “pire jeu du monde” n’est pas le plus ennuyeux ou le plus buggé, c’est celui qui représente une menace. Une menace pour moi-même, en proie à l’addiction vide de sens, ce que Thomsen reproche à Dark Souls quand il avance que le jeu “vous enseigne des choses, mais ne vous enseigne rien qui ne vaille la peine d’être appris” (c’est marrant, c’est ce qu’on disait à propos de The Witness (sur lequel j’ai passé 50 heures)). Mais aussi une menace pour le jeu vidéo au sens large, comme Thomsen semble le penser de Dark Souls, quand il invoque le “grand réseau d’exploitation à travers le monde” qui fait exister l’industrie entière, “la pire forme de jeu, la moins éthique”†. Ou comme Tim Rogers, lorsqu’en 2011, il publie un article-fleuve sur les free-to-play, à l’époque au sommet de leur gloire (ils se portent toujours très bien aujourd’hui), qu’il titre carrément “qui a tué les jeux vidéo ?” ; cinq pages plus tard, Rogers conclut par une théorie pessimiste : “les jeux vidéo ont tué les jeux vidéo”.>>
Cet article me secoue un peu. Je dois réfléchir à tout ce qu'il implique.