Déjà, en guise de préambule : on en avait l'habitude, mais voir passer un décret aussi important en loucedé un dimanche de juillet, ça a toujours une saveur particulière.
Premier point: là où auparavant il fallait avoir cotisé 4 mois sur une période de 28 mois pour commencer à être indemnisé, on passe à 6 mois sur 24. Très sympa, notamment pour les plus jeunes qui galèrent à avoir un premier vrai contrat : ce sera encore plus dur d'obtenir l'ARE.
Mais là où ça devient vraiment violent, c'est que désormais, pour recharger ses droits lorsque l'on est déjà allocataire, autrement dit pour pouvoir prolonger sa période d'indemnisation, il faudra avoir travaillé SIX MOIS, contre un seul aujourd'hui. Exemple avec ma situation :
J'ai bossé suffisamment pour avoir droit à 7 mois d'ARE. Ça fait un mois que je vis de ces droits. Avec cette réforme, il me resterait donc 6 mois pour réussir à travailler... 6 mois, afin de prolonger mes droits. Si tel n'est pas le cas, je me retrouve au RSA.
Ce qui est extrêmement compliqué, disons-le, impossible, pour ceux qui enchaînent les contrats courts, ou les pigistes (dont je suis). Comment ne pas voir que ça va jeter des centaines de milliers de personnes dans une précarité encore plus grande ? Et attends, c'est pas fini.
Les journalistes, ces « grands privilégiés », ont effectivement un avantage : ils bénéficiaient d'un régime dérogatoire qui va s'appliquer à tout le monde désormais. Je vous raconte, ça vient de m'arriver.
J'enchaîne des petits contrats pour certains médias. Donc j'ai des périodes de travail et des périodes d'inactivité. Jusque-là, rien que de très normal. J'avais calculé, et un conseiller Pôle emploi aussi, qu'en fonction de mon salaire, je devrais toucher 1500€ par mois.
Et là, SURPRISE : je reçois un versement de moins de 1200€. Je me rends à Pôle emploi et on m'explique ceci : dans la sacro-sainte convention collective des journalistes on compte les périodes chômées comme du travail payé zéro euros.
Autrement dit, et ça va maintenant s'appliquer à tout le monde : les indemnités seront calculées en fonction de la moyenne de ce que vous avez gagné, que vous ayez travaillé ou pas. Et non plus en fonction des salaires obtenus lorsque vous travailliez.
Pour (beaucoup) schématiser : t'as gagné 1500€ par mois mais t'as bossé qu'un mois sur deux ? Ton allocation sera de 750€. Vous vous rendez compte de la brutalité de la réforme ?
Quant aux allocations qui vont decrescendo pour les plus hauts revenus chez les cadres : que personne ne s'en réjouisse, on vient de casser un principe de solidarité, et bientôt ce sont les autres qui en pâtiront.
Comme l'a raconté Mediapart, cette réforme devrait toucher 1,2 millions des 2,6 de chômeurs indemnisés. Faut ratisser large quand on compte sur les pauvres pour économiser plus de 3 milliards d'euros.
La réforme de l’assurance-chômage pénalisera un chômeur indemnisé sur deux<A href="https://www.mediapart.fr/journal/economie/040719/la-reforme-de-l-assurance-chomage-penalisera-un-chomeur-indemnise-sur-deux" rel="nofollow">https://www.mediapart.fr/journal/economie/040719/la-reforme-de-l-assurance-chomage-penalisera-un-chomeur-indemnise-sur-deux</A>
Et qu'on ne me parle pas des contreparties, c'est une vaste plaisanterie. L'indemnisation pour les démissionnaires ne va toucher que quelques dizaines de milliers de personnes, il faudra cinq années passées dans la même boîte, être validé par 15 commissions, etc.
C'est le premier novembre 2019 que tout ceci va s'appliquer et que des centaines de milliers d'allocataires seront de la baise.
D'ici-là, il faut absolument que les organisations syndicales se réveillent et que les chômeurs aillent battre le pavé à la rentrée. A tort, les demandeurs d'emploi sont souvent difficiles à mobiliser parce qu'ils considèrent que leur sort n'est que transitoire.
Les autres, ne détournez pas le regard. On est tous des futurs chômeurs.