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Ces gestes ne nous coûtent rien ou presque; d’ailleurs c’est bien pourquoi nous les accomplissons.
Pour nous donner bonne conscience. Pour être dans l’air du temps. Pour ne pas se voir accuser d’être un pollueur-né. Pour briller en société. Pour tenter de répondre à l’urgence climatique. Pour nos enfants et les générations à venir.
Et en même temps, nous savons parfaitement que ces gestes-là, aussi nécessaires que dérisoires, sont juste de l’ordre du symbole, du cosmétique, du paraître: nous nous plions à cette injonction de mieux respecter la planète tant qu'elle n’empiète pas sur nos libertés fondamentales.
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Nous sommes ainsi faits. Nous vivons dans l’instant présent. Nos esprits n’ont pas été programmés pour imaginer le futur d’une vie d'où nous serons absents. Dire que d’ici la fin du siècle, le niveau des océans sera tel que nos côtes disparaîtront n’a pas plus d’intérêt que d’affirmer que le soleil s‘éteindra dans quatre milliards d’années. La belle affaire! Nous serons alors tous mortes ou morts et les seules promenades qui nous resteront seront celles où le néant et l’éternité chemineront à nos côtés.
Demander à l’homme de penser une époque où il ne participera plus au mouvement de la vie aboutira toujours à une fin de non-recevoir. À aucun prix nous n’accepterons de sacrifier drastiquement nos modes de vie pour que les générations à venir en profitent. Nous ne sommes pas altruistes par procuration et seules nos vies présentes, nos vies d’ici et de maintenant, nous intéressent.
On aura beau multiplier les avertissements, froncer des sourcils, souligner nos comportements criminels, aligner les prévisions les plus catastrophiques, rien ne parviendra à nous ébranler dans cette certitude existentielle. Nous avons soif de vivre nos vies, et comme nous sommes aussi le résultat de notre époque –cette lente accumulation de siècles qui a permis à l’Occident d’être ce qu’il est, un monstre de jouissance jamais rassasié– nous voulons profiter à l’infini de toutes ses richesses.
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L’homme moderne, dans sa configuration occidentale, est autocentré; son horizon se borne au temps de son existence et, au meilleur des cas, à celle de ses descendants directs.
S’il doit changer, ce sera à la suite d’une catastrophe de grande ampleur.
De là à souhaiter qu’elle se produise…