"80 % des économies viendront du durcissement de l’accès au chômage
Jusqu’à ce mardi, jamais cette piste n’avait été évoquée publiquement par un ministre ou par ses conseillers, et elle a été dévoilée par Les Échos le 7 juin seulement. Pourtant, selon Muriel Pénicaud, elle permettra de réaliser plus de 80 % des 3,4 milliards d’euros d’économies programmées d’ici à la fin 2021. À partir du 1er novembre, il va être bien plus compliqué de commencer à toucher le chômage : pour être indemnisé par Pôle emploi, il faudra avoir travaillé l’équivalent de 6 mois durant les 24 mois précédents, alors qu’aujourd’hui, seuls 4 mois travaillés sur 28 (et sur 36 mois pour les plus de 53 ans) sont nécessaires. Le saut est énorme : il faudra avoir travaillé un jour sur quatre pendant la période de référence, contre un jour sur sept actuellement.
Les conséquences de ce changement seront massives. Il fera des centaines de milliers de perdants, parmi les salariés les plus précaires. Ce sont ceux qui peinent à accumuler des heures de travail et qui sont donc susceptibles d’avoir le plus besoin de l’assurance-chômage. Les jeunes qui ont du mal à démarrer leur carrière seront particulièrement concernés. Cette situation est loin d’être anecdotique, alors que l’exécutif vient de lancer une concertation sur la réforme des minima sociaux, qui pourrait elle aussi aboutir à diminuer les allocations versées aux plus pauvres.
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Avec les annonces de ce mardi, c’est la première fois depuis plus de trente-cinq ans que l’État décide seul des règles d’indemnisation chômage, sans syndicat ni organisation patronale. Et c’est la conséquence logique des dispositions contenues dans la loi sur l’emploi et la formation votée en août 2018.
Mais ce bouleversement historique est jusqu’à présent passé presque inaperçu. Pourtant, depuis octobre dernier, le financement de l’assurance-chômage a changé de nature, comme Mediapart l’a déjà détaillé : les salariés ne se voient plus prélever aucune cotisation chômage sur leur salaire. Ces cotisations alimentaient jusqu’ici les caisses de l’Unédic, qui gère l’assurance-chômage. Désormais, ce sont tous les Français qui contribueront à financer les allocations chômage, via un relèvement de la CSG, un impôt directement versé à l’État, qui pourra ensuite en disposer à sa guise.
C’est la fin de ce que l’on nomme le modèle assurantiel : chaque salarié versait une partie de son salaire pour s’assurer contre la perte de son emploi, et les indemnités chômage versées dépendaient de la durée d’emploi et de la rémunération précédente. Désormais, et nous venons d’en voir la première démonstration, c’est l’État qui décide quelle part de son budget doit être affectée au financement du système de chômage. Sans aucune garantie qu’à terme, le montant des allocations chômage ne baisse pas drastiquement, puisque les salariés n’y contribueront plus directement. C’est ce qu’avait reconnu l’an dernier auprès de Mediapart Aurélien Taché, le député LREM rapporteur du texte.
Mais ce changement radical n’est rien d’autre que la mise en application d’une des premières mesures défendues par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle. Derrière les mots de la politique, il y a parfois un projet conçu et appliqué en toute cohérence."
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