"Car, comme dans tout harcèlement, c’est l’accumulation d’actes individuels isolés qui tuent. Jusqu’à ce que l’on tremble d’ouvrir ses réseaux, de refresh ses interactions, dans l’anticipation et la peur de la nouvelle pique."
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"A ce stade, et comme cela faisait plusieurs mois. Je n’arrivais plus à faire convenablement mon travail. J’ai dû expliquer, dans la vraie vie, à mon manager, n’ayant jamais eu un compte twitter de sa vie, que j’étais harcelé. Il m’a proposé de faire virer Renaud Aledo, à l’époque junior chez Publicis, agence à qui on donnait des millions d’euros chaque année. Il m’a dit que je n’avais qu’un mot à dire. J’ai refusé."
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J’ai tout tenté pour que cela s’arrête, l’appel à l’empathie, l’appel via les amis de ces bourreaux, les longs mails d’explication. Rien n’a eu d’effet. La seule porte de sortie, proposée par Guillaume Livolsi, était d’enregistrer moi-même une raillerie de mes textes : « Assume que c’est drôle, et on aura plus de raison de se moquer ».
J’ai refusé.
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« Je t’aime pas parce que t’es un faux gentil, tout ce que tu fais, c’est pour baiser des meufs. T’es pas un gentil, t’es un manipulateur, et il faut que tu tombes. »
Voilà comment pense un sociopathe masculiniste, incapable de voir une autre vision du monde que la sienne, si je n’étais pas un con c’est forcément que je faisais semblant, et si je faisais semblant, c’était forcément pour coucher.
[...]
sur Twitter, j’ai tout mis. En public. « Solide sur internet, on verra si t’es solide rue X, étage Y etc… » Il a hurlé, supprimé tout ce qui le rattachait à son identité publique que j’avais pu retrouver.
Cet ultime coup d’éclat, radical, me couta néanmoins cher.
Le lendemain, quelqu’un a commencé à diffuser un photomontage de moi en train de sucer un pénis (forcément, l’homophobie). [...] Le montage était envoyé en masse à des mineurs, jusqu’à 12–14 ans, avec la mention « Salut je suis @lereilly, j’adore sucer ça t’intéresse ? ». [...] J’ai à peine oser me plaindre sur le moment, ne voulant pas exposer mes propres followers au montage pornographique.
Je reçu, en 48h, plusieurs centaines de réponses, suite au copier-coller fou furieux de quelqu’un, jouant là sa dernière et plus ignoble cartouche.
[...]
J’ai, plusieurs années après, reçu régulièrement des pics de la part de membres, ceux-là même qui disent avoir quitté le groupe il y a bien longtemps.
Tous, ou presque, mentent.
J’ai pleuré, j’ai tremblé, j’ai vomi, j’ai demandé de l’aide, à mes managers, à mes amis, à d’autres victimes, et ce texte ne parle qu’en mon nom, n’est qu’un ajout parmi d’autre. Mais je veux qu’il témoigne de leur coordination, de leurs raisons et de leurs agissements.
Je veux aussi exprimer, et de manière très claire, et pour beaucoup d’entre eux, il n’y a ni prise de conscience, ni empathie. J’ai testé tous les chemins de traverse, j’ai offert toutes les rédemptions possibles. J’ai attendu huit ans des excuses qui ne sont jamais venues. Ces coupables ne sont pas raisonnables, on ne peut pas leur expliquer, on ne peut pas leur faire comprendre. Les virilistes, et malgré tout ce que j’ai espéré et tenté dans le temps, ne répondent qu’à une chose, la force, physique ou institutionnelle. La force est la seule chose qui rentre dans leur référentiel de compréhension du monde. Et c’est, à ce titre, qu’il faut, par la force, les punir.